« Je tente une descente contrôlée… »

Subnautica

Subnautica Subnautica Subnautica Subnautica

Développeur : Unknown WorldsGraphismes :
Éditeur : Unknown WorldsSons et musiques :
Année : 2018Difficulté :
Genre : Action-aventureDurée de vie :
Nombre de joueurs : 1Note : 8/10


J’ai retrouvé des calamars collés sur mon pare-brise. Dois-je lire une BD, encore ?

Un passe-temps amusant m’occupe en ce moment : juger un jeu vidéo à son écran-titre ! Remarquablement, la première impression se vérifie souvent. Tenez, quelques exemples : Space Hulk: Deathwing (prétentieux et surchargé), Deep Rock Galactic (un jeu « paquet de lessive », bordélique et sans caractère), Vermintide 2 (direct, stylisé, engageant !). Et alors, pour Subnautica, en regardant ces menus bleu fluo rudimentaires et cette police d’écriture Windows par défaut (Trebuchet MS ?), les premiers mots qui me sont venus à l’esprit ont été « amateur » et « pas fini ».

À vrai dire, le mot juste serait « indé ». Subnautica est en effet sorti en accès anticipé dès 2014 et il n’a pas cessé d’évoluer depuis (une extension vient d’arriver, en 2020). Je m’y suis attelé tardivement, par crainte du syndrome de l’accès anticipé. Vous savez, quand on est attiré par l’annonce d’un jeu en développement, on l’essaye, on adore, on y joue beaucoup, on se lasse par manque de contenu ; et quand celui-ci finit par sortir, plusieurs mois après, on a attrapé une indigestion, et on n’a plus envie d’y retourner. J’ai souffert de ce mal à l’égard de Space Engineers et de Risk of Rain 2. Je comprends que ce procédé soit une contrainte contemporaine inhérente aux coûts de production d’un jeu en 3D, un tant soit peu ambitieux ; mais moi, ça m’effarouche. Que voulez-vous. J’aime mes jeux aboutis et débuggés.

Pour en finir avec la première impression, j’ai tout de même un compliment à faire, et un gros : figurez-vous qu’il est possible de paramétrer toutes les touches (même les flèches ! même « Ctrl » !), et par dessus le marché, d’associer une touche identique à plusieurs actions ! C’est tellement simple et pourtant tellement rarement implémenté. Je me souviens avoir maudit Borderlands, qui ne me laissait pas employer le même bouton pour recharger mon arme et ouvrir une porte (pas sans recourir à une macro).

Oui, cette critique sera prétexte à m’épancher copieusement sur les jeux actuels, comme je n’en ai pas souvent l’occasion dans les autres rubriques. Je vais également dévoiler l’intrigue de Subnautica sans vergogne, alors si vous comptez y jouer, faites-le, et revenez lire la suite de cette page plus tard. Sa force réside principalement dans le plaisir de la découverte. Je vous conseille donc de vous y plonger (oh oh oh !) sans savoir davantage que ceci : c’est un jeu de survie dans un monde sous-marin et « fait main » (c’est-à-dire sans génération procédurale, on avait perdu l’habitude !), où la classique gestion des ressources se conjugue à un non moins classique système de création d’équipements. Vos objectifs à court terme : trouver à boire, à manger, échapper aux prédateurs. Et quand vous aurez le temps : explorer la zone, prendre contact avec d’éventuels survivants, trouver un moyen de vous casser ailleurs (comme dans l’infanterie).

L’histoire commence ainsi : le vaisseau interstellaire « Aurora », abritant quelque 150 passagers et membres d’équipage (et vous, et vous, et vous), s’est écrasé sur une planète presque entièrement recouverte par les eaux. Vous reprenez connaissance, seul, à l’intérieur d’une minuscule capsule de secours flottante. Vous disposez d’un ordinateur de poche (qui parle), d’une combinaison de plongée et d’un très opportun module de fabrication, capable de désaliniser l’eau, cuire le poisson ou synthétiser toutes sortes d’objets, à partir de métaux ou d’autres ingrédients « biologiques » glanés sur place.

Une fois sorti de la capsule, vous vous retrouvez dans l’eau, au milieu d’une faune grouillante et multicolore. Bruyante aussi. Un monde qui semble vivre très bien sans vous. Le décor est agréable à l’œil et crédible. En revanche, un peu plus loin dans le jeu, on aura l’occasion de crapahuter « au sec », je veux dire à pied, et on sentira nettement que le moteur de jeu n’est pas optimisé pour cela. Comme un poisson jeté sur le pont d’un chalutier, en quelque sorte. En plus, le monde émergé vous mettra en présence de textures, de près, sans filtre, indéniablement moins belles à regarder que les fonds sous-marins depuis 100 mètres de distance.

La composante « survie » est plutôt clémente, la mort n’infligeant pratiquement aucune pénalité (exception faite du traditionnel mode hardcore ne vous donnant droit qu’à une seule vie). Sitôt après avoir avalé le goujon, vous vous réveillerez dans votre petit cocon de départ, en possession de tous vos objets, ou presque.

Quant à la phase d’exploration, je la qualifie de « semi-autonome ». S’il n’y a pas de carte disponible (très bonne chose), le jeu ne fait pas l’impasse sur les sempiternels points de navigation affichés à l’écran. Je me suis senti trop souvent dirigé. J’aurais préféré qu’on me laisse me débrouiller sans aucune indication, ni même boussole. Pourquoi ne pas mettre à profit ce charmant ciel étoilé pour s’orienter, par exemple ?

Pourtant, en dépit de sa difficulté modérée, le jeu file véritablement les chocottes ! J’explique cela par la qualité de la mise en scène. Entre le manque de lumière en profondeur, la taille et l’agressivité des bestioles (qui va malheureusement crescendo à mesure que vous descendez, et que la lumière se raréfie !), les effets visuels à l’écran indiquant que quelque chose vient de vous retourner le pif (une fêlure qui apparaît sur la vitre de votre scaphandre, ou de l’eau qui commence à s’infiltrer à l’intérieur du cockpit de votre sous-marin). Tout ce que vous observez vous rappelle à chaque instant que vous êtes minuscule et fragile (et désarmé, la plus grande partie du temps).

L’habillage sonore n’est pas en reste. Vous entendez les prédateurs bien avant de les voir. Certains poissons carnivores poussent des rugissements de fauves, mais les bruits non identifiables sont les plus crispants. Il y a une large variété de créatures et chacune y va de sa chansonnette. Dans le noir, chaque son nouveau est source d’anxiété ! En outre, de courtes séquences musicales baroques sont jouées lors de moments choisis, on ne sait trop comment ni pourquoi. C’est simple, dès que la « musique d’action » se déclenche, je me mets à fuir sans raison, par réflexe pavlovien. J’ai les fesses qui font bravo !

J’en profite pour saluer également l’absence de génération procédurale, c’est un biais qui est beaucoup trop exploité en ce moment. Je pense que prendre le temps de construire un environnement unique est la seule façon d’aboutir à un jeu immersif (ça serait le comble, de louper l’immersion dans Subnautica, n’est-ce pas ?).
Un exemple : FTL, où l’approche « procédurale » anéantit l’atmosphère, selon moi. Je préfère jouer à un jeu une seule fois et m’en souvenir. On pourrait dire la même chose de l’absence de mode deux joueurs coopératif. Quand un jeu est conçu pour y jouer tout seul, il est plus soigné dans sa mise en scène, et automatiquement plus mémorable.

J’aurais deux anecdotes à raconter pour illustrer cette ambiance réussie.
Alerte-S’poil !

Ma première aventure débute à la réception d’un message de détresse, émis par d’autres survivants, comme moi, piégés à bord de leur capsule de survie. Mais ils n’étaient pas en mesure de me donner leur position exacte : « environ un kilomètre au sud-ouest de l’épave de l’Aurora ». J’étais équipé d’une boussole, mais pour évaluer la distance, je n’ai pas trouvé d’autre moyen que de fabriquer une balise, que j’eusse placée à proximité du lieu du crash. L’idée était de me déplacer vers le sud-ouest en me retournant de temps en temps vers la balise, dont la position et la distance m’étaient indiquées en permanence à l’écran. Je me suis donc rendu sur place, aux commandes d’un joli petit sous-marin que je venais d’apprendre à construire. Je me suis arrêté devant la « proue » de l’Aurora et suis descendu « à palmes » pour y déposer ma balise. Le jeu nous propose de donner un nom à nos balises, ce qui est bien pratique pour prospecter la région. Alors, j’ai cliqué dessus et commencé à taper au clavier : « Aurora (proue) ».
Lorsque j’ai ouvert la parenthèse, un grondement retentissant m’a fait bondir de mon siège. Une espèce de requin géant, de la taille d’un immeuble, a fondu sur moi ! J’ai paniqué, et me suis rué vers mon sous-marin, stationné à quelques mètres, mais le monstre m’est passé devant et a happé mon véhicule, d’un coup de gueule, qu’il s’est mis à secouer frénétiquement. J’ai opéré un demi-tour et me suis lancé dans la course de ma vie, à la nage, tout droit, peu m’importait dans quelle direction. J’entendais retentir une sirène d’alarme en provenance du sous-marin, comme un cri de douleur, et quelques secondes plus tard, un silence angoissant…

J’ai pu regagner ma capsule de survie. Mes boyaux tricotaient des napperons mais j’étais sain et sauf. La balise n’avait pas été touchée, et depuis lors, et jusqu’à la fin du jeu, est restée cette étrange incrustation à l’écran : « Aurora ( », avec la parenthèse ouverte, comme pour me narguer. Je n’ai jamais osé revenir sur les lieux pour renommer ma balise…

Pas longtemps après, j’ai réussi à entrer en communication avec un vaisseau de fret, qui s’est dérouté pour me secourir ! Le capitaine de ce vaisseau m’a transmis les coordonnées d’une petite île et m’y a donné rendez-vous. J’ai préparé un stock de provisions et me suis mis en route, à bord de sous-marin numéro 2. J’étais un petit peu chagriné d’avoir fini le jeu si vite, car il ne m’avait pas semblé avoir tout exploré. J’ai finalement accosté avec une demi-heure d’avance, ce qui m’a laissé le temps de visiter l’île. Il s’y trouvait une sorte de ruine alien, à l’intérieur de laquelle je me suis baladé. Elle était évidemment déserte et il n’y avait pas grand-chose à y faire, alors j’ai fini par en sortir et j’ai attendu mon sauveteur sur la plage. Quelques minutes plus tard, le capitaine m’a contacté par radio, il a donné l’ordre à son équipage d’amorcer la descente ; j’ai vu un point dans le ciel, qui grossissait.

«  Survivant, on vous voit ! »

« La vache, je ne sais pas comment vous avez tenu bon. »

Et à ce moment, la ruine s’est mise à bouger… à changer de forme… une protubérance s’est mise à scintiller, et… braoum ! Un rayon d’énergie a frappé le vaisseau. Explosion. Silence…

Je suis resté planté là un instant, sidéré, seul, sur ma plage, un sandwich au thon dans la main. Je me suis vu faire le voyage dans l’autre sens et regagner ma capsule, encore une fois (j’ai su ramener mon sous-marin intact, au moins). Je me suis senti penaud, perdu, insignifiant. Je venais de me faire rouler par le jeu, pensant l’avoir terminé, et réalisant que je venais de perdre mon unique espoir de quitter cette planète (et mon unique contact humain, au demeurant). Je n’en étais, en réalité, qu’au tout début ! Et c’était à ce point précis, le meilleur moment de l’aventure, son apogée.

Plus tard encore, j’ai appris à construire des modules habitables. Une base, quoi. Et progressivement, la routine a commencé à s’installer : ramasser des trucs pour fabriquer des machins, améliorer un véhicule pour pouvoir descendre plus en profondeur, récolter de nouvelles ressources, permettant de déverrouiller de nouvelles améliorations, et ainsi de suite. Il faut dire qu’à partir du moment où on met en place un potager, la composante « survie » devient triviale ; et à partir du moment où on acquiert une arme immobilisante pour se prémunir des prédateurs, la tension chute dramatiquement.

Paradoxalement, pour moi, ce qui dégrade l’ambiance soigneusement tissée, c’est d’en apprendre davantage sur le scénario. Avait-on besoin d’un scénario ? Le mystère cède le pas aux développements convenus, à base de « va chercher ça et clique là ». Personnellement, je me suis lassé brutalement sur la fin, à partir du moment où une baleine s’est mise à me parler… Je me suis tout à coup senti dans un film de Miyazaki, et je n’aime pas du tout les films de Miyazaki (je préférerais me retrouver dans un épisode de Rick et Morty, à choisir).

Un autre truc qui m’agace, c’est le recours paresseux à tous les clichés vidéoludiques possibles, comme ces inévitables enregistrements audio, négligemment abandonnés par « d’anciens survivants ». N’y avait-il pas d’autres moyens de nous présenter subtilement les détails de l’intrigue ? ou ces poissons infectés par une mystérieuse bactérie, reconnaissables à… une lueur verdâtre ? Sérieusement ! Et ce fichu laboratoire alien, haute-technologie, qui nous est servi à la fin, de manière forcée, complètement en décalage avec le thème du jeu (survie dans un monde sauvage avec des moyens limités), et que personnellement, je n’avais pas envie de voir (les amateurs de nanars vidéoludiques se souviennent peut-être de Blood Omen 2, parmi tant d’autres !).

Bien entendu, ces ruines millénaires sont toujours scellées par des portes électroniques, infranchissables, à moins d’être en possession de la clé de couleur appropriée. Clé qui, par le plus grand des miracles, a été laissée en évidence dans une autre ruine, quelques mètres plus loin. Donc, si dans mille ans, vous voulez visiter ma piaule, et que vous trouvez porte fermée, pensez à regarder par terre à l’autre bout du palier, je vais y déposer mes clés maintenant !
Enfin, l’arrangement des « biomes » me paraît un peu trop artificiel : ces périmètres délimités à la serpe, abritant une faune et une flore très spécifiques, et qui changent du tout au tout de manière abrupte, dès qu’on franchit une frontière parfaitement rectiligne !

J’en arrive au principal grief : le manque général d’ergonomie et les mécaniques contre-intuitives. J’avais décidé de poursuivre l’aventure de bout en bout sans aucune documentation, ni Wiki, ni YouTube. C’était globalement plaisant, mais très laborieux par moments !

Ma première difficulté tient à la gestion de l’inventaire. On n’a jamais assez de place pour stocker les montagnes d’objets ramassés, dont on sait pourtant qu’on aura besoin un jour. J’ai dû fabriquer une quinzaine de petites caisses « flottantes » (à vrai dire, elles restent à la profondeur où on les lâche) pour les ranger, et perdu un temps fou à essayer vainement de les organiser. En plus, ces petites caisses dérivent avec le temps, parce que je les poussais sans faire exprès. J’ai passé une trentaine d’heures comme cela, parce que je ne savais pas encore que je pusse installer une base (et que j’avais la trouille de m’éloigner de la zone de départ, où j’avais pied). Pourquoi ne pas nous permettre, dès le début, de fabriquer une grosse caisse, plutôt que quinze petites ?

Ma seconde difficulté vient de la partie construction, que j’ai trouvée brouillonne. Je n’ai pas compris le rôle des tuyaux d’air, par exemple. Je me suis embêté à construire un réseau sur 300 mètres pour amener de l’air depuis une pompe flottant à la surface, jusque dans ma base, avant même de construire ma première salle (il faut dire que j’ai eu la brillante idée de construire ma base à 300 mètres de profondeur, parce que l’endroit s’appelait « habitat recommandé », et que je suis bêtement les recommandations). À la fin, je n’ai pas su relier le bout de mon réseau de tuyaux avec le bâtiment que je venais de construire. J’ai laissé tomber. Un peu plus tard, j’ai construit mon premier générateur, et j’ai eu la surprise de constater qu’il générait de l’air en plus de l’électricité. J’ai passé l’heure d’après à démonter 300 mètres de tuyaux en titane (ne sachant pas les recycler, j’ai tout déposé par terre, au milieu du corail)…

Par la suite, j’ai construit une salle de détection : une grosse boule hérissée de paraboles et de caméras, dont je n’ai pas saisi l’utilité. Et puis, ça m’a frappé, quelques dizaines d’heures plus tard : comme son nom l’indiquait, il s’agissait d’une salle. Il fallait donc se trouver à l’intérieur de celle-ci pour s’en servir ! Ça impliquait naturellement de la relier à une voie d’accès, chose que je n’ai pas été prompt à deviner. Quand je me suis finalement décidé à essayer ce bidule, j’ai pu visualiser la position de « conteneurs » présents dans la région. Il n’était pas précisé, en revanche, lesquels avaient déjà été ouverts et vidés de leur contenu… Ma question initiale demeure : à quoi ça sert ?

En définitive, Subnautica offre une atmosphère unique, une réalisation appliquée (bien que cédant trop facilement aux stéréotypes) et des mécaniques conventionnelles, parfois lourdes. Il me laissera néanmoins quelques souvenirs forts. De la part d’un joueur blasé et difficile comme moi, prenez cela comme une franche recommandation !

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