Starflight
Développeur : MicroMagic | Graphismes : |
 | |
Éditeur : Electronic Arts | Sons et musiques : |
 | |
Année : 1990 | Difficulté : |
 | |
Genre : Aventure | Durée de vie : |
 | |
Nombre de joueurs : 1 | Note : |
7/10 | |
Si je vous demande de citer un pionnier du sous-genre « exploration spatiale », vous penserez sans doute à Elite (1984), ce bac à sable galactique centré sur le commerce et le combat. Les plus jeunes mentionneront plutôt Mass Effect (2007), un jeu de rôle porté par une mise en scène cinématographique et des dialogues à embranchements avec toutes sortes d’extra-terrestres ; et leurs enfants évoqueront No Man’s Sky (2016), aux millions de planètes et créatures « algorithmées ». Qu’est-ce que ces trois-là ont en commun ? Pas grand-chose. Laissez-moi vous présenter le chaînon manquant, l’autre précurseur injustement oublié…
Starflight est d’abord sorti sur PC-DOS en 1986. Très ambitieux pour l’époque, il a été adapté sur Amiga quatre ans plus tard (ainsi que sur Commodore 64, Atari ST et Mac) dans une version presque inchangée, si ce n’est davantage de couleurs, la prise en charge de la souris et un système de sauvegarde assoupli (dans l’original, faute d'espace, la sauvegarde modifiait directement les fichiers du jeu, au risque de rendre la disquette inutilisable). Inutile de dire qu’il n’impressionnait plus grand monde, techniquement, en 1990. Il garde néanmoins une valeur historique. Son concept de jeu bien ficelé, son accessibilité (par rapport à Elite et Frontier notamment) et quelques idées novatrices ont influencé d’autres classiques, en premier lieu Star Control 2 (PC-DOS, 1992).
Le cadre, exposé par le manuel, rappelle Fondation. Nous sommes en 4620, la Terre a été oubliée depuis longtemps. Jadis, un empire s’est formé, puis s’est effondré. Un petit groupe d’expatriés s’est établi sur une planète reculée afin de sauvegarder les connaissances de l’humanité (et des races aliens associées, c’est une différence avec l’univers d’Asimov), mais ils ont partiellement échoué… De récentes découvertes archéologiques suggèrent qu’ils auraient été attaqués par une autre race extra-terrestre. Vous incarnez un descendant de ces colons. Votre mission (initiale) est de rassembler un équipage et de partir sur les traces de vos origines…
L’aventure commence dans le spatioport, qui sert de menu principal stylisé. D’ailleurs, j’ai mis du temps à comprendre que je dirigeais le petit astronaute avec la souris. Je sentais une énorme latence dans les commandes avant de me rendre compte qu’il fallait attendre que le bonhomme marche jusqu’à l’une des portes pour afficher l’écran correspondant. Dans la salle du personnel, par exemple, on crée les membres de son équipage comme dans un jeu de rôle : nom, race (humain, alien, robot), fonction à bord (capitaine, navigateur, mécanicien, etc) et une feuille de statistiques est attribuée à chacun.
En face, le hangar vous donne un aperçu de votre vaisseau et de l’attirail accessible par la suite (extension de soute, bouclier, armement…). Un marché permet également d’acheter ou de vendre du minerai et des « artefacts ». Votre premier objectif consiste à accumuler suffisamment de crédits pour améliorer votre teuf-teuf et parfaire la formation de votre équipe. Malheureusement, cet aspect économique n’est pas assez poussé. Il suffit de quelques allers-retours vers la planète voisine pour miner, vendre, puis tout acheter (je me suis même offert directement la « classe 5 » de tous les équipements disponibles, en sautant les paliers intermédiaires). Après cela, l’argent ne sert presque plus à rien, miner non plus. Quant à la carrière de marchand, oubliez-la. Il n’existe aucun autre spatioport ni comptoir commercial dans toute la galaxie.
L’interface est simple mais peu intuitive pour nos standards actuels. J’ai passé un moment à cliquer vainement sur la carte galactique pour voyager vers un autre système, avant de réaliser qu’elle n’est pas interactive. On s’en sert seulement pour visualiser notre position et choisir sa prochaine destination. Il faut ensuite fermer la fenêtre, reprendre les commandes et se diriger lentement vers les coordonnées voulues. La navigation manuelle fait partie intégrante de ce jeu, tout comme la prise de notes. Personnellement, j’adore ça et regrette même que ce ne soit plus d’usage dans les jeux d’aujourd’hui. Je n’aurais pas envie de lire un « journal de bord » qui se remplirait tout seul. C’est une des causes de mon rejet d’Outer Wilds…
Même si les longs voyages peuvent lasser, l’impression d’explorer librement la galaxie est bien rendue. L’analyse de planètes pour savoir si elles sont colonisables, la gestion responsable du carburant, le stress de rencontrer un groupe de vaisseaux non identifiés en territoire inconnu, les dialogues bien écrits avec les extra-terrestres (uniquement en anglais) ; toutes ces activités (sans oublier les références à Star Trek) contribuent à instaurer une atmosphère crédible. En outre, chaque race rencontrée se distingue par sa manière de parler et ses traits de personnalité, à l’image des espèces de limaces (Spemin), prétentieux et cruels quand ils ont l’avantage numérique, mais foncièrement lâches et prompts à trahir leurs alliés dès qu’ils sentent le vent tourner.
À propos d’ambiance, une protection anticopie i̷͚͝n̥͘t̵͇͑r̴̰̚à̴̘̈d̶̩̎i̶̻̗̊͋é̵̺̒̌g̴͋ͅé̵̫̻͐̚t̵̯̄͂i̵̱͍͋q̵̰̇̌u̵̝͔͒e̴͕̽ vous demande de taper un code à chaque sortie du spatioport. En cas d’erreur, la police de l’espace vous tombe dessus ! Original et amusant, quoiqu’un peu agaçant à la longue (le code en question s’obtient à l’aide d’une roue en carton).
Évidemment, au bout de quelques dizaines d’heures, l’illusion ne suffit plus à dissimuler les rouages, le processus mécanique qui gouverne le jeu. Les dialogues tournent en boucle et on finit par considérer les extra-terrestres comme des guichets d’information, réduits à distribuer des jeux de coordonnées.
La difficulté est abordable dans le sens où vous ne vous sentez pas en danger immédiatement, et une bonne préparation (accompagnée de sauvegardes fréquentes) pallie avantageusement les carences de réflexes et de jugeote (croyez-en mes aptitudes…). En revanche, il est important d’être méthodique pour ne pas rater un indice crucial, et d’éviter les détours inutiles. Le temps réel « accéléré » (une heure dans le jeu s’écoule en 10 secondes, même quand vous ne bougez pas), associé à la durée limitée pour accomplir la mission principale, rendent les chances de réussite du premier coup, infimes. Ce n’est pas grave, car vos notes restent utilisables lors de vos prochaines parties.
Les planètes, au nombre de 800, réparties dans 270 systèmes solaires, sont générées procéduralement. Si la localisation des gisements et formes de vie sont aléatoires, les lieux clés, eux, ne changent pas, ce qui limite la rejouabilité une fois l’aventure terminée.
Je finirai en abordant ses points faibles, car vous savez comme j’aime bêcher mes jeux vieux de quarante ans… Essentiellement, le combat. C’est un exercice de rapidité pour retrouver dans quel sous-menu de cette interface… peu coopérative… se trouvent trois boutons : « activer le bouclier », « activer les armes » et « tirer », tandis que vous vous faites défourailler sans ménagement. Il ne reste alors plus qu’à cliquer une fois sur les deux premiers… avant de marteler le troisième comme un goret sous ecsta, jusqu’à ce que la bataille s’achève. Selon l’armada en présence, deux issues possibles : soit vous anéantissez l’ennemi sans effort, soit vous vous faites pulvériser sans pouvoir réagir. Ennui ou frustration.
Enfin, si les graphismes demeurent sommaires et la bande-son absente, c’est paradoxalement la seule touche de sophistication qui m’a gêné : cette misérable animation en 3D lors des décollages et atterrissages. Longue, saccadée, inutile. Il est certes permis de la sauter, mais l’option doit être sélectionnée à chaque fois, et la latence générale me l’a fait déclencher par accident trop souvent.
Signalons qu’une adaptation, que je pourrais qualifier de version définitive, est sortie sur Mega Drive en 1991 (la même qui coûtait 80 dollars, pour ceux qui suivent les dernières controverses de Randy Pitchford). Elle est bien plus agréable à l’œil (en particulier, la surface des planètes), les batailles sont plus dynamiques, et de nombreux autres détails ont été changés. En revanche, elle contient quelques bugs (un qui fait subitement exploser le véhicule de reconnaissance). Je pense que les avantages l’emportent sur les inconvénients. Le manuel inclut même une courte nouvelle d’un auteur que j’aime bien (et que je déteste) (à vrai dire, j’en sais rien…). Cette nouvelle fait partie d’un recueil publié en 2021, Starflight: Tales From The Starport Lounge.
|